Opinion du Dr Ahmed Goubella, trésorier du MoDeS-Cartel, parue dans le Journal du Médecin.
L'information est partout et, si elle ne nous est pas déjà parvenue, elle est disponible en quelques clics. Il en va de même des questions médicales. De plus en plus souvent, les consultations sont le théâtre d'un spectacle moderne où les patients arrivent déjà fort renseignés sur le mal dont ils souffrent, à coups de sites spécialisés et de forums de patients. Mais qu'en est-il de la qualité des données dont ils disposent ? Et quel impact cette manière de procéder peut-elle avoir sur la manière dont les soins sont prodigués ?
Une récente étude de Solidaris réalisée sur 670 patients belges de plus de 18 ans montre que le médecin de famille reste en tête des sources utilisées (83,2%) mais que l'idée qu'une recherche internet peut dispenser d'une visite médicale va grandissant (16%). Par ailleurs, une étude française de 2013 réalisée par la SOFRES sur 1002 patients permet de voir que de nombreuses personnes consultent un site spécialisé avant (19%) ou après (34%) leur rendez-vous pour des compléments d'information concernant la maladie ou le traitement administré(1).
Est-ce une bonne chose ? Le patient a potentiellement de nombreux besoins en information pour mieux se prendre en charge. Cet appel de sources se fait pour des raisons de connaissances brutes, de choix à effectuer, de supervision des soins prodigués, de production et de coordination (2). Un patient bien informé est un patient mieux soigné. Mais l'information sur la toile doit souvent être sujette à caution. L'étude française précitée nous indique qu'un nombre très important de patients consulte les sites spécialisés comme Doctissimo (65%), les forums de ces sites (62 %) et les encyclopédies en ligne comme Wikipédia (58 %)(1) malgré toutes les réserves que le monde médical peut avoir sur la qualité et l'exactitude de ce qui y est mentionné(3).
L'évolution de la société ne nous permet plus de balayer les ressources internet d'un revers de la main et les dénigrer d'entrée de jeu serait une erreur. En tant que soignants, nous détenons des clés de lecture et de compréhension que n'ont pas tous les patients. A nous de prendre le temps de décoder, d'interpréter et de nuancer l'information brute préalablement acquise. Quitte à rediriger le patient vers une source digne d'intérêt et de foi, et à lui prescrire, à l'instar des médicaments, des sites web recommandés.
(1) Cerisey, C., et al. " A la recherche du ePatient. Site de Patients & Web.[En ligne]. "
(2) Coulter, A. et al. " Sharing decisions with patients : is the information good enough ? " BMJ : British Medical Journal 318.7179 (1999) : 318.
(3) Hasty, R. et al. " Wikipedia vs peerreviewed medical literature for information about the 10 most costly medical conditions. " J Am Osteopath Assoc 114.5 (2014) : 368-373.