Opinion du Dr Goubella Ahmed, Trésorier du MoDeS, parue dans le Journal du Médecin.
La profession médicale est démocratiquement représentée, via ses syndicats, dans divers organes de concertation ayant trait aux soins de santé. La Commission nationale médico-mutualiste (CNMM) d'où provient l'accord qui y est négocié est de ceux-ci. Débats nécessaires et compromis permettent notamment d'y obtenir des décisions relativement équilibrées entre les parties.
Elle a néanmoins été le théâtre récent d'âpres débats concernant la volonté de l'exécutif d'économies unilatérales dans les soins de santé, comprenant également une limitation drastique de l'indexation des honoraires. Tout d'abord, parce que les mesures imposées sont en contradiction avec l'Accord national médico-mutualiste 2016/2017 qui prévoit sa caducité en cas de disposition imposée et non négociée. Puis, plus globalement, parce que cette méthode de travail brutale employée par la ministre de la Santé et son cabinet risque de faire exploser le modèle de concertation tel qu'on le connait. Le mécontentement gronde de plus en plus et certaines voix dénoncent déjà la CNMM. Le seuil de rupture du dialogue n'est pas encore atteint, mais pour combien de temps ? Un accord, communiqué par l'Inami, a tout de même été conclu sur la répartition de la marge d'indexation des honoraires au terme de ces débats mais il s'agit là de l'arbre qui cache la forêt : toute discussion sur les autres (et bien plus importantes) coupures budgétaires dans les soins de santé sont reportées à 2017.
Il est regrettable que les économies réalisées par le politique ne soient que le fruit d'une vision à court terme consistant à "boucler" le budget de l'Etat, au mépris de défis majeurs de santé publique nécessitant une réflexion et un financement sur le long terme tels que les maladies chroniques, le vieillissement de la population ou la pénurie médicale dans les zones rurales. L'idée d'une rationalisation du budget des soins de santé n'est pas dénuée de sens si tant est que les fonds dégagés soient réalloués à des problématiques actuelles, croissantes et non réglées. Une réforme profonde et nécessaire de la nomenclature pourrait intervenir en ce sens.
Outre la méthode usitée, ce sont les décisions imposées et leurs conséquences au niveau de la profession médicale et de la population qui sont risquées. En effet, le modèle de concertation, bien qu'imparfait, est garant d'une certaine représentativité démocratique et de contre-pouvoirs menant à une autorégulation du système. Il légitime surtout une sécurité tarifaire par le biais du conventionnement, qui permet de continuer à considérer la santé comme un bien commun universel. A contrario, la fin de la concertation pourrait mener à considérer la santé comme un bien privé individuel, au mépris de la collectivité. Ce qui est fait pouvant être défait, la fracture sociale ne serait dès lors pas très loin... Quel en serait le coût pour l'Etat ?